• Jeux sportifs et cahiers d'exercices

    Une collègue me demande dans le groupe Catherine Huby Éducation sur Facebook :

    « Je viens de démarrer la méthode de maths CP CE1 CE2  et je suis étonnée que les exercices proposés dans les fichiers ne soient pas en lien avec les jeux sportifs de début de séance. »

    Voici ma première réponse, assez rapide car adaptée à la façon de s'exprimer sur ce réseau social :

    Ils ont forcément un lien mathématique, sinon je ne les aurais pas programmés. Mais en effet, je m'applique à ne surtout pas rester dans le prolongement du jeu sportif, pour éviter de bloquer les élèves qui ont du mal à généraliser dans un cheminement et un seul. Au contraire, je les pousse à réaliser que ce qui a servi dans le jeu s'applique aussi dans des situations très différentes.

    Ici, où nous avons de la place et du temps, il convient de préciser tout cela. Le plus simple est peut-être de prendre les Activités sportives proposées dans le guide pédagogique CP-CE1-CE2 et de le comparer aux exercices prévus dans les Cahiers d'exercices, en faisant de temps en temps une petite incursion dans les Mises en commun que nous mettrons en place dans nos classes entre les deux autres moments où nous mettons en pratique les connaissances mathématiques.

    ◊ Semaine 1, Jour 1 :

    ♦ Activités Sportives :

    A) La maîtresse folle : Compter de 1 à 10

    B) Lucky Luke : Compter de 0 à 10

    C) Rondes de dix : La dizaine, compléter à 10

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Écrire 0 et 1 ; compter des collections de 0 ou 1 objet et indiquer la quantité par un chiffre ; alternance de couleurs 1/1

    ⇒ lien évident avec Activités Sportives A et B où l'on comptait des quantités égales à 0 ou 1 suite à une désignation par un mot.

    ♣ CE1 :

    Compter de 0 à 5 et désigner par un chiffre ; compter de 0 à 5 et désigner par un chiffre et un mot

    ⇒ lien évident avec Activités Sportives A, B où l'on comptait des quantités allant de 0 à 10 suite à une désignation par un mot-nombre.

    ♣ CE2

    Compléter des sommes inférieures ou égales à 10 ; Calculer des différences

    ⇒ utiliser les acquis révisés lors des Activités Sportives A et B (grouper par ..., utiliser les doigts) pour réaliser des calculs additifs et soustractifs

    Compléter à 10 ; Soustraire de 10

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive C où l'on a travaillé les compléments à 10 

    ◊ Semaine 1, Jour 2 :

    ♦ Activités Sportives :

    A) Chaises musicales : Ajouter, soustraire (lexique) ; compter de 1 à 4 (CP), de 1 à ... (nombre d'élèves de la classe)

    B) Ah, j'ai perdu mes doigts : Compter de 0 à 10 ; notion de manque ; compléter à 10

    C) Lucky Luke gagne ou perd  : Compter de 0 à 10 ; ajouter 1, retrancher 1

    D) Compléments à 10 : Compter de 0 à  9 ; ajouter pour réaliser une collection de 10 éléments  

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Écrire 2 ; Ajouter, retrancher 1 ou 2 ; alternance de couleurs 1/1

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive A où l'on retranchait 1 ou 2 chaises (ou plus)

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive C

    ⇒ lien plus éloigné avec Activités Sportives B et D au cours desquelles le vocabulaire lié aux calculs additifs ou soustractifs est aussi employé

    ♣ CE1 :

    Traduire par un calcul une situation de complément à 10 ; compter de 6 à 10 et désigner par un chiffre et un mot

    ⇒ lien évident avec Activités Sportives A, B où l'on comptait des quantités allant de 0 à 10 suite à une désignation par un mot 

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive C où l'on a travaillé les compléments à 10 

    ♣ CE2

    Réaliser des sommes inférieures à 10 € grâce à des pièces et billets factices ; Compter le nombre de pièces

    ⇒ utiliser les acquis révisés lors des Activités Sportives A et B (grouper par ..., utiliser les doigts) pour réaliser des calculs mentaux additifs puis pour compter des objets concrets (pièces)

    Semaine 1, Jour 3 :

    ♦ Activités Sportives :

    A) Algorithmes 1/1, 2/2, 0/1, 0/2 : Ajouter, soustraire (lexique) ; compter de 1 à 4 (CP), de 1 à ... (= nombre d'élèves de la classe)

    B) Ah, j'ai perdu mes doigts : Compter de 0 à 10 ; notion de manque ; compléter à 10

    C) La commande de doigts  : Compter de 0 à 20 ; notion de dizaine ; s'associer pour dépasser 10

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP (page 4) :

    Algorithme colorié 1/2 ; Algorithmes dessinés utilisant les notions de verticale, horizontale et oblique

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive A

    ♣ CE1 :

    Repérer le décimètre, le centimètre, les désigner par les abréviations dm et cm, colorier les 10 centimètres d’1 décimètre et écrire l’égalité ; mesurer en cm une mesure exacte et en dm une mesure approchée ; tracer des segments dont la mesure est donnée ; compléter la mesure d’un segment d’un décimètre.

    ⇒ utiliser les acquis révisés lors des Activités Sportives B et C pour lire et écrire les nombres de 1 à 10.

    ♣ CE2

    Calcul mental : Compléments à 10

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive B

    Compléter des sommes inférieures ou égales à 20 ; Compléter des différences entre nombres inférieurs ou égaux à 20 ; Écrire et ranger des nombres inférieurs à 20 dans l’ordre croissant

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive C

    ⇒ utiliser les acquis révisés lors des activités sportives A et B (grouper par ..., utiliser les doigts) pour réaliser des calculs mentaux additifs

    Semaine 1, Jour 4 :

    ♦ Activité Sportive :

    A) Filet du pêcheur : Trouver une stratégie pour partager les élèves en deux groupes ayant le même nombre d'éléments ; notion de moitié, de nombre pair/impair ; compter de 1  à 20 (ou 30)

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP (page 3) :

    Écrire le signe € ; Entourer 2 € ; Reproduire un assemblage de points dans un espace délimité (notions de milieu, d’oblique)

    ⇒ aucun lien avec l'Activité Sportive (qui prépare cependant aux activités mathématiques futures : moitié, nombre pair/impair, comptage, retrait, ajout)

    ⇒ les activités du cahier auront été préparées pendant la Mise en Commun

    ♣ CE1 :

    Colorier la moitié d’une collection de 8 éléments ; couper en deux une figure de 6 cm de long ; couper en deux parties égales une collection de 10 éléments ; associer, quand c’est possible, chaque nombre inférieur ou égal à 10 à sa moitié.

    ⇒ lien avec la préparation de l'Activité Sportive A.

    ♣ CE2

    Calcul mental : Compléments à 10

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive B

    Compléter des sommes inférieures ou égales à 20 ; Compléter des différences entre nombres inférieurs ou égaux à 20 ; Écrire et ranger des nombres inférieurs à 20 dans l’ordre croissant

    ⇒ lien évident avec Activité Sportive C

    ⇒ utiliser les acquis révisés lors des Activités Sportives A et B (grouper par ..., utiliser les doigts) pour réaliser des calculs mentaux additifs

    Semaine 2, Jour 1 : 

    ♦ Activités Sportives :

    A) La maîtresse folle : Compter de 1 à 10 ; trouver une stratégie pour isoler l'élément qui est au milieu d'une ligne (préparation à la notion de nombre pair/impair)

    B) La commande de doigts : Compter de 0 à 10 (CP) / 20 (CE1) / 100 (CE2) ; s'associer pour dépasser 10 ; notion de dizaine

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Écrire le chiffre 3 ; Dessiner le nombre de figures demandé ; Égaliser une collection pour qu’elle ait 3 éléments (ajouter, ôter) ; Relier une quantité de doigts au chiffre qui correspond

    ⇒ lien éloigné (comptage et désignation par un mot-nombre) avec les Activités Sportives A et B

    ⇒ les autres activités du cahier auront été préparées pendant la Mise en Commun

    ♣ CE1 :

    Payer 10 c avec : 10 pièces, 9 pièces, 8 pièces, 7 pièces, 6 pièces et enfin 5 pièces.

    ⇒ lien éloigné (comptage et noms des nombres) avec les Activités Sportives A et B.

    ♣ CE2

    Calcul mental : Compter mentalement de 2 en 2, à partir d’un nombre pair, puis impair, entre 0 et 20

    ⇒ lien avec Activité Sportive A (travail sur les nombres pairs)

    Mesurer des longueurs à l’aide d’un double décimètre ; Tracer un segment, le graduer en cm

    ⇒ ces activités auront été préparées pendant la Mise en Commun

    [ Petite interruption :Comme tout cela est un peu long et répétitif, et comme nous allons normalement commencer lundi la quatrième semaine de classe, je passe directement à cette Semaine 4. ]

    Semaine 4, Jour 1 : 

    ♦ Activités Sportives :

    A) Rondes et rangs par 2 : Nombres pairs et impairs

    B) Lucky Luke et commande de doigts : Compter de 0 à 6 (CP) / de 0 à 100 (CE1) et (CE2)

    C) Des outils pour fabriquer des radeaux : Copier une figure ; repérer des angles ; usage de l'équerre

    D) Jeu des radeaux : Compter de 1 à 6 ; notion de manque ; compléter une quantité pour arriver à une collection donnée

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Compléter pour avoir 4 €, compléter des additions à trous

    ⇒ lien éloigné (comptage et désignation par un mot-nombre) avec l'Activité Sportive D

    ⇒ les autres activités du cahier auront été préparées pendant la Mise en Commun

    ♣ CE1 :

    Apparier des chaussettes, compter le nombre de paires ; Réaliser des paires, compter le nombre d’unités ; Apparier des unités, compter le nombre de paires (et éventuellement le reste)

    ⇒ lien avec l'Activité Sportive A

    ♣ CE2

    Tracer des angles à main levée ; tracer des angles à l’aide de l’équerre ; Repérer des angles à l’aide d’une équerre

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive C

    Technique de l’addition posée

    ⇒ cet exercice est une activité de réactivation d'un savoir-faire en phase de maîtrise

    Semaine 4, Jour 2 : 

    ♦ Activités Sportives :

    A) Rythmes frappés : Se préparer à compter de 2 en 2

    B) En promenade, quatre par quatre : Division groupement : former des groupes de 4 ; notion de manque ; compléter à 4

    C) Nouvelle commande : Multiples de 2

    D) Réunion de doigts - Fâcheries : Les nombres de 0 à 100 ; notion de dizaines et d'unités ; notion de reste ; soustraction

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Apparier deux équipes pour avoir 4 enfants ; compléter des additions à trous

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive B

    ♣ CE1 :

    Reproduire une collection pour avoir son double (x2)

    ⇒ lien avec les Activités Sportives A et C

    ♣ CE2

    Poser et effectuer des soustractions avec ou sans retenue

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive D

    Semaine 4, Jour 3 : 

    ♦ Activités Sportives :

    A) Touchez du... :  Notion d'unité

    B)  Réunion de doigts - Fâcheries : Les nombres de 0 à 100 ; notion de dizaines et d'unités ; notion de reste ; soustraction

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Associer chaque nombre à l’unité qui convient

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive A

    ♣ CE1 :

    Reproduire une collection pour avoir son double ; Reproduire une collection pour avoir son double.

    ⇒ Rappel des Activités Sportives de la séance précédente

    ♣ CE2

    Résoudre des problèmes soustractifs

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive B

    Semaine 4, Jour 4 : 

    ♦ Activités Sportives :

    A) Rythmes frappés : Se préparer à compter de 2 en 2

    B)  Lapins - chasseurs : Notions de : moitié, demi, mètre ; Mesures de longueur 

    ♥ Cahiers d'exercices :

    ♣ CP :

    Colorier chaque moitié d’une couleur différente ; Couper en deux moitiés et colorier

    ⇒ lien évident avec l'Activité Sportive B

    ♣ CE1 :

    Bilan : Compléter des phrases (ordre des jours de la semaine) – Reporter une longueur au compas, mesurer en cm, notion de double – Écrire les nombres pairs entre 0 et 20 – Repérer les nombres impairs entre 0 et 20 – Prolonger un segment pour le doubler, le mesurer.

    ⇒ Liens avec les Activités Sportives A et B

    ♣ CE2

    Bilan : Créer un problème additif ; Tracer des lignes droites, repérer le parallélisme ; Suivre un programme de construction géométrique à partir d’un angle droit ; poser et effectuer des soustractions.

    ⇒ pas de liens évidents avec les Activités Sportives pratiquées ce jour-là

    Conclusion :

    Les liens existent toujours dans le simple fait que ces Activités Sportives poussent les élèves à s'interroger sur les nombres, le calcul, les grandeurs et les mesures, les formes géométriques, la résolution de problèmes.

    Ils ont très souvent un lien direct avec l'activité que va pratiquer un des groupes d'élèves dans la journée même. Ce lien ne les amène que très rarement à continuer un jeu sportif avec des données numériques ou géométriques différentes afin de ne pas les installer dans un rôle de reproduction.

    Il cherche plutôt à leur faire retrouver ailleurs, dans un domaine très différent, ce qu'ils ont vécu à travers leur corps afin qu'ils s'emparent intuitivement de la généralité des principes mathématiques.

    Un exemple précis : la numération, les dizaines et les unités.

    Au cours des séances d'Activités Sportives, les enfants ont sur eux le matériel nécessaire à la compréhension du système décimal. Ce matériel est d'ailleurs ce qui a donné naissance à ce système dans notre partie du monde (Europe, Asie, Afrique) il y a bien longtemps. J'ai nommé : les doigts, unités de base de notre système et les mains, multiples de cette unité de base.

    Pendant ces Activités Sportives, nous usons et nous abusons de ce matériel, dans les trois niveaux, pour que les enfants connaissent – sur le bout des doigts, c'est le cas de le dire – la numération décimale et la simplicité des calculs d'ajouts, retraits, produits et partages qu'elle permet.

    Puis vient le moment des Mises en Commun, première marche vers l'abstraction. Comment, assis sur une chaise, pouvons-nous réfléchir aux nombres sans nous regrouper mains levées et doigts écartés ? Quel matériel pouvons-nous substituer à ces doigts et ces mains qui restent présents uniquement dans nos mémoires ?

    Là, apparaissent les unités de mesure : le cm, le m, l'euro, puis, plus tard dans l'année, le litre, le gramme et leurs multiples. Là apparaissent aussi les outils mathématiques de l'écolier : les réglettes Cuisenaire, les cubes emboîtables, les bouliers, les perles Montessori, ..., et enfin, le nec plus ultra des outils mathématiques : les chiffres ! Ces dix petits signes inventés naguère pour se substituer à tout ce matériel lourd, encombrant, facile à perdre et difficile à garder en l'état pour une vérification ultérieure !

    C'est alors que, grâce à ces dix petits signes, arrangés parfois en suites de chiffres selon un ordre immuable, et à quelques abréviations inventées elles aussi pour nous simplifier la vie (€, cm, m, g, kg, km, etc.), nous pouvons noter brièvement le résultat de nos découvertes et le bilan de nos connaissances, et parfaire ces dernières en nous entraînant à utiliser ce fin du fin de la numération décimale, le chiffre, sur nos Cahiers d'exercices comme nous utilisons en français la lettre pour nous exprimer par écrit.

    Vous conviendrez que nous sommes bien loin des doigts et des mains qui nous ont servi à découvrir et maîtriser cet outil fantastique et qu'il serait bien dommage que les tâches à accomplir dans ces Cahiers d'exercices soient sur le papier la reproduction à l'identique des Activités Sportives pratiquées le matin ou la veille dans la cour ou le gymnase (compte les doigts, dessine les doigts, relie les doigts aux quantités qu'ils matérialisent)...

    Cependant, comme ces doigts, indispensables à la construction du système décimal, restent là, quoi qu'on y fasse, nous n'hésitons pas à rappeler à l'enfant qui se perd dans un calcul compliqué, oublie une retenue, cherche un complément, qu'il peut toujours, « comme ce matin dans la cour », regarder ses mains pour trouver la solution à son problème.

    C'est grâce à ce va-et-vient et à toutes ces activités diverses et variées, soutenant toutes les mêmes règles, que les enfants, année après année, construisent leur connaissance mathématique et cherchent à l'enrichir un peu chaque jour. Si nous y arrivons, nous pourrons nous dire que nos élèves, même s'ils ne savent pas répéter mécaniquement des savoirs-faire étriqués destinés à apprendre une chose et une seule, en comptant sur l'avenir pour que ces savoir-faire empilés se transforment en conscience numérique ou géométrique large.

    Un petit contre-exemple pour finir :

    Cet exemple est tiré d'une séquence droite numérique CE2 proposée par l'Académie de Toulouse (en vue de réussir les évaluations nationales qui en font grand cas). Notez bien ce que j'ai souligné et le verbe mis en gras, c'est édifiant :

    « Elle sert à placer des nombres dans l’ordre (à d’autres choses aussi que l’on pourra noter mais ici nous ne l’avons utilisée qu’à cet effet pour le moment.)
    - Elle sert à savoir dans quel intervalle se situent des nombres, ou à placer des nombres dans un intervalle ; donc pour comparer des nombres
    - Elle peut servir à intercaler des nombres
    - Elle sert à calculer »

    J'intitulerais bien cette trace écrite : « Quand les mathématiques ne sont pas apprises aux enfants pour qu'ils sachent compter et calculer lorsqu'ils seront confrontés dans leur vie à des problèmes dans lesquels les nombres ont un rôle central... » Pas vous ?


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  • Oxymore pédagogique

    En ces temps de rentrée, après un été passé à écouter tous les matins un éminent scientifique expliquer qu'un enfant n'était qu'un tas de neurones à programmer à l'aide d'exercices presse-boutons, je suis fort affligée.

    Mais quand j'ajouterai que ce fut aussi un été où je pus lire sur les réseaux sociaux que telle, tel, telles et tels autres collègues de TPS, PS, MS, GS, CP, CE1, etc. cherchaient des modèles, des modèles et encore des modèles ou pour les aider à presser sur le bon bouton, celui qui déclenchera chez leurs élèves le réflexe conditionné ad hoc, garant de l'acquisition de la compétence B-12-24-AH-13, dûment constatée grâce à l'IRM de l'éminent scientifique, vous comprendrez pourquoi, ne serait-ce que par esprit de contrariété, j'ai une furieuse envie de fabriquer des chevilles rondes pour des trous carrés !

    Pour résumer tout mon ressentiment, je dirai que j'ai envie de modernité, d'air frais, de joies enfantines et surtout pas de modèles et d'évaluations.

    Mais voilà, pour faire du neuf, il faut sortir de nos schémas actuels et nous plonger loin, loin dans nos références éducatives, de manière à trouver notre oxymore pédagogique du jour :

    la modernité du passé !

    Et figurez-vous que je l'ai trouvée... Mais lisez plutôt et cherchez à quelle époque M. Halbout, un maître formateur, un IEN ou un Conseiller pédagogique a pu écrire ces quelques conseils :

    Les activités dirigées et autres occupations du CP

    OCCUPER constamment et utilement les enfants du CP, est une exigence essentielle de la classe unique [NB : classe multi-niveaux de nos jours]. [...]

    ♥ Quelles activités choisir ?

    Nous ne mentionnerons pas les jeux et exercices de calcul et de lecture, application directe des leçons, que nous avons évoqués les semaines précédentes. Mais nous essaierons de garnir les cases de notre emploi du temps qui s'appellent peinture, dessin, modelage, activités dirigées, dénominations dont le caractère est plus indicatif qu'impératif ; point n'est besoin d'ailleurs que tous les enfants exercent en même temps la même activité ; la diversité des occupations peut permettre de tirer parti d'un matériel disponible en quantité trop réduite. Le choix des activités peut évidemment être limité par ces contingences matérielles ; mais il n'est point de problème insoluble avec un peu d'ingéniosité [souligné par moi].

    Quelles que soient les possibilités, il faut s'astreindre à ne donner que des occupations qui fassent appel à l'intelligence, à l'imagination, ou, au minimum, à l'adresse manuelle de nos jeunes enfants, en proscrivant les exercices mécaniques ou de simple imitation.

    Toute occupation, même si elle n'est pas strictement « scolaire » doit avoir un aspect éducatif. Donc, pas de copies interminables du même mot ou du même élément de lecture, pas de lignes de lettres ou de chiffres, pas d'avalanches d'opérations écrites faites machinalement. On limitera également les coloriages de dessins imprimés au tampon encreur [ajout 2024 : ou trouvés sur internet], qui n'offrent qu'une maigre matière à l'imagination de l'enfant. Les exercices de piquage, où l'enfant se contente de suivre avec un poinçon (dont l'usage n'est pas exempt de danger) un tracé préfabriqué, ne présentent également qu'un intérêt relatif.

    ♥ Il faudra prévoir :

    → DES JEUX SENSORIELS (surtout pour les moins de 6 ans)

    dont les catalogues des éditeurs spécialisés dans ce domaine (Bourrelier, Nathan, ...) offrent tout le choix désirable. Ici se pose la question financière, d'autant plus qu'il importe de choisir des matériels durables, finalement moins onéreux, mais dont le prix d'achat paraît quelquefois élevé. Il faut donner la préférence aux matières plastiques ou aux bois laqués qui gardent l'éclat du neuf, malgré les nettoyages imposés par l'hygiène (bain hebdomadaire dans une solution diluée d'eau de Javel).

    Une certaine variété est nécessaire: le même jeu, indéfiniment répété perd tout intérêt et toute valeur. Aussi, dans la mesure où le maître [ajout 2024 : ou la maîtresse] dispose librement de tout ou partie de l'allocation scolaire annuelle, doit-il prévoir, à chaque [nouvelle rentrée], l'acquisition de quelques jeux et le remplacement des jeux détériorés. [...]

    Mentionnons notamment :

    ⇒ les jeux de classement :

    • par ordre croissant de grandeur, de grosseur, d'épaisseur,de poids
    • par formes différentes
    • par couleurs (nuances ou intensités)

    ⇒ les jeux d'emboîtement, d'encastrement, de superposition

    Le développement de l'intelligence est tributaire de la justesse et de la finesse des perceptions. Il est bien établi par exemple que de nombreuses [ajout 2024 : pseudo] dyslexies sont imputables à des déficiences de la structuration de l'espace.

    → DES ACTIVITÉS MANUELLES

    tissage : Signalons les bandelettes en matière plastique, valables à condition d'encourager les enfants à rechercher des combinaisons plus ou moins complexes de couleurs

    modelage : La cire à modeler est un matériel peu coûteux et durable si l'on prend les quelques précautions nécessaires à sa bonne conservation. La règle est ici de laisser libre carrière à l'imagination de l'enfant ; les réussites conservées servent de stimulant.

    jeux de laçage et de boutonnage : À ne pas négliger pour développer l'adresse manuelle des plus petits (ou des plus empruntés).

    → DES EXERCICES GRAPHIQUES

    qui développeront le sens esthétique et l'imagination, en même temps que l'habilité manuelle. Ils contribueront, en favorisant l'écriture, à l'apprentissage de la lecture et à l'acquisition de l'orthographe.

    Mentionnons :

    ⇒ l'écriture au pinceau qui peut être une activité dirigée ou une application directe de la lecture [ajout 2024 : z'avaient lu ni Dumont, ni Pierson ! ] : elle contribue à vaincre la nervosité et la raideur de la main.

    ⇒ la peinture au doigt : Le maître [ajout 2024 : ou la maîtresse] préparera dans une série de gobelets, des solutions de gouache de différentes couleurs où les enfants puiseront librement; comme matière première, on peut se procurer des échantillons de papiers peints dont on utilisera le verso, ce qui initie l'enfant à l'utilisation d'un fond coloré

    ⇒ le dessin et le coloriage libres : C'est l'âge d'or du dessin libre qui est, pour l'enfant ne sachant pas encore bien écrire et encore moins rédiger, le moyen d'expression le plus immédiat. Si l'on a bien gagné la confiance des enfants, on leur demandera d'expliquer leurs réalisations.

    ♥ Conseils de mise en œuvre

    ◊ LAISSER À L'ENFANT LA LIBERTÉ DE CHOIX DE SES OCCUPATIONS

    → [Nous suggérons] l'installation du « coin des petits », avec ses étagères ou armoires basses, où chacun prend et range après usage ce dont il a envie.

    → [C'est l']occasion d'ailleurs de faire sentir aux petits la nécessité de l'ordre et de la discipline [ajout 2024 : tant pis pour la belle leçon d'EMC à projeter sur le TNI et à la jolie feuille à coller dans le cahier de leçons, on fait simplement sentir, c'est plus efficace et moins presse-bouton !] .

    → La séance d'activités dirigées pourra de temps à autre être consacrée au rangement et au nettoyage général des rayons.

    ◊ LAISSER ÉGALEMENT LE MAXIMUM DE LIBERTÉ DANS L'EXÉCUTION

    → Qu'importe si un jeu est utilisé à un usage imprévu, si un matériel à encastrer sert à échafauder une construction hardie.

    → Qu'importe également si un dessin viole les règles élémentaires de la logique ou de la perspective ; les enfants l'apprendront plus tard.

    → Pour l'instant, il s'agit surtout de ne pas freiner leur désir d'expression et d'activité.

    → Si le maître  [ajout 2024 : ou la maîtresse] intervient autrement que pour encourager et, à l'extrême rigueur, pour suggérer très discrètement et sans insister, il verra bientôt les enfants se désintéresser de leur matériel [Ajout 2024 : Eh oui, ce n'est pas forcément parce que les enfants d'aujourd'hui sont mal élevés qu'ils ne dessinent plus, c'est peut-être aussi parce que nos méthodes modernes rétrogrades, deuxième oxymore, leur ont coupé les ailes].

    ◊ PAR CONTRE, IMPOSER DE FAÇON ABSOLUE LES CONSIGNES D'ORDRE ET DE SILENCE, DE RESPECT DU JEU DU VOISIN ET DU TRAVAIL DES GRANDS

    → En venant de temps à autre complimenter et encourager les petits, on évitera d'ailleurs qu'ils ne viennent vous faire admirer une réalisation au beau milieu d'une leçon compliquée réservée aux plus grands.

    Et voilà, fin de l'article. Alors, à votre idée, à quelle époque (j'ai la date précise de cet article) les élèves de CP pouvaient ainsi, lorsqu'ils avaient fini leur travail, « jouer librement » en classe sans forcément rester assis devant les activités presse-boutons de leurs « cahiers d'activités » ? Vous pouvez répondre en commentaire ou sur la page Facebook Catherine Huby Éducation.


    6 commentaires
  • OrthoGraph' en CP-CE1
    Merci à C., GS, pour sa participation involontaire à cet article

    De nombreux collègues s'inquiètent :

    « Comment mettre en œuvre OrthoGraph' CE1 dans une classe dans laquelle nous accueillons aussi des élèves de CP ? »

    Ma réponse :

    Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas si difficile que cela avec des CP à côté.

    A. Les trois premières semaines :

    Ceux-ci peuvent très bien participer tous les jours à la partie collective au tableau pendant les trois premières semaines. Cela leur donnera implicitement (pas la peine qu'ils sachent le réciter par cœur)  les bases des bases de l'écriture graphémique de notre langue :

    → on écrit avec des lettres qui codent un son (plus tard, nous élargirons et compléteront... Rome ne s'est pas faite en un jour)

    → il y a 26 lettres, 6 sont des voyelles que l'on prononce et les autres des consonnes que l'on articule

    →  dans notre langue, certaines consonnes sont doublées sans que cela en affecte la prononciation

    →  dans notre langue, certaines lettres sont muettes

    →  parmi ces lettres muettes, certaines ont un rôle grammatical

    Ils retrouveront toutes ces données (d'où l'inutilité de les leur faire apprendre par cœur, l'important étant la pratique), à leur rythme, page après page, dans leur manuel d'apprentissage du code et dans les exercices d'écriture et de dictées qu'il propose.

    B. À partir de la quatrième semaine :

    En revanche, à partir de la quatrième semaine, ces petits CP ne pourront plus suivre le rythme d'acquisition des régularités de l'orthographe de leurs camarades de CE1 et il nous faudra leur prévoir un travail individuel pendant les 20 minutes que durent les séances collectives d'orthographe graphémique (méthode OrthoGraph').

    Nous pourrions presque dire que cela tombe bien puisque, après trois semaines de scolarisation au CP, ils débutent la phase d'autonomisation prévue dans leur progression d'écriture-lecture.

    Nous pouvons ainsi prévoir de leur donner à faire  des « jeux de lecture » qui reprennent les bases qu'ils ont déjà effleurées lors des trois premières semaines

    ♥ remettre des syllabes dans l'ordre pour légender des illustrations 

    ♥ encoder des mots transparents (ou des mots pour lesquels nous leur avons signalé par un code qu'ils comportaient telle lettre muette à la fin ou telles consonnes doubles à l'intérieur)

    ♥ illustrer eux-mêmes une phrase à décoder seuls

    ♥ passer du singulier au pluriel ou du pluriel au singulier (GN ou GN-S + V)

    ♥ passer du masculin au féminin ou du féminin au masculin (Adj ; N ; GN)

    Ou d'autres exercices qu'ils maîtrisent déjà assez bien pour se dispenser de notre présence :

    ♥ faire des lignes d'écriture en respectant les gestes étudiés

    ♥ calculer en ligne 

    ♥ ranger des nombres du plus petit au plus grand 

    ♥ illustrer le poème ou le compte-rendu que QLM

    ♥ etc.

    C. À plus large et long terme :

    Bien évidemment, nous ne nous contenterons pas de cela et mettrons aussi en œuvre dès les premiers jours, avec nos CP, les principes de la « dictée réussie ».

    Si nous pouvons obtenir de garder nos élèves de CP au CE1, toute cette gymnastique mentale nous permettra dès la deuxième année dans cette classe,  d'avancer beaucoup plus aisément dans la méthode OrthoGraph' et de pouvoir ainsi consacrer plus de temps aux activités d'acquisition de lexique « vivant » : QLM, Poésie, Chant, EPS, HDA et Lectures offertes, afin d'offrir à nos élèves, même s'ils sont en REP+, toutes les chances de réussite scolaire que nous leur souhaitons.

    Pour plus d'informations sur la mise en pratique en classe :

    Voir, dans les commentaires ci-dessous, le témoignage d'Alexiane que je remercie.


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  • Qualifier les compléments (4)
    Merci à Sophie Borgnet pour ses personnages !

    Maintenant que nous avons fait le tour des compléments du verbe, passons aux autres mots que nous pouvons compléter.

    Compléter le nom

    Allez savoir pourquoi ce complément-là pose tant de problèmes aux élèves (et parfois à leurs enseignants) !

    Peut-être à cette fameuse manie de l'analyse grammaticale grâce aux réflexes construits autour de questions-types auxquelles correspondraient des réponses-types ?

    C'est ainsi qu'il nous arrive de lire, y compris chez des adultes ayant mission de transmettre les connaissances, que, dans la phrase : Les marins portent des tee-shirts à rayures. ou dans celle qui explique que La hauteur de la Tour Eiffel est supérieure à celle de la Statue ... de la Liberté., puisque nous répondons quatre fois à la question « à quoi ? » ou « de quoi ? », nous allons forcément découvrir quatre Céhohi ! Et c'est encore pire chez nos élèves à qui manque la base des bases : la conscience de la notion de nom ! 

    C'est pourquoi il nous faut urgemment repartir du début, ce qui devrait se faire dès la Maternelle (et jusqu'au CM2), lors de séances de langage impromptues, au sujet de ce que nous pouvons dire...

    Imaginons des tout-petits qui nous parlent de leurs vélos. L'un évoque son vélo bleu, l'autre son vélo de course, un troisième son vélo à roulettes et un dernier son vélo qui va très vite ! L'air de rien, juste en faisant parler des petits enfants, nous avons implicitement travaillé toutes les expansions du nom d'un seul coup. Et nous pouvons continuer en leur posant des questions :

    → « Louis nous a parlé de son vélo bleu. Qu'est-ce qui peut être bleu aussi ? Donnez-nous le nom d'objets qui sont bleus. »

    → «Inaya nous a dit qu'elle avait un vélo de course. Connaissez-vous des noms d'objets qui sont "de course" ? »

    → « Jade a dit qu'elle avait un vélo à roulettes. Y a-t-il d'autres objets à roulettes ? Pouvez-vous me donner leur nom ? »

    → « Imane nous a dit qu'il a un vélo qui va très vite. Connaissez-vous des noms de choses, d'animaux ou de personnes qui vont très vite ?... Une voiture qui va très vite ? Oui, très bien. Et encore ?... »

    Suite à ces séances informelles, si au CP puis au CE1 et même CE2, nous avons par de très nombreux exercices exercé nos élèves:

    → à bien repérer les noms et à ne jamais les prendre pour des verbes

    → si, à l'oral et à l'écrit, nous les avons entraînés à compléter ces noms par des adjectifs, qu'ils  savent repérer et nommer

    → si, à l'oral comme en maternelle, ils ont fréquemment complété des noms par d'autres noms ou par des propositions relatives,

    nous n'aurons pas de difficulté au CM1 à faire découvrir aux élèves qu'il n'y a pas que les adjectifs qui complètent les noms et qu'il arrive aussi qu'ils soient complétés par d'autres noms !

    Ce qui nous ramène à notre premier exemple. 

    Les marins portent des tee-shirts à rayures.

    Il nous sera facile de leur faire dire que :

    Le nom rayures donne un complément d'information sur les tee-shirts que portent les marins. Il complète donc le mot tee-shirts. Le mot tee-shirts est un nom communà rayures est un complément de nom puisqu'il complète un nom.

    Et nous pourrons même leur faire créer eux-mêmes leur trace écrite qui dira à peu près :

    Parfois, les noms sont accompagnés d'un complément qui en précise la forme, la matière, le contenu, la possession, l'époque, etc. Toutes ces précisions sont des compléments de ce nom. Les noms qui sont complément de nom sont très souvent introduits par une préposition.

    Compléter l'adjectif

    Ah, celui-là, il n'est que pour nous ! Avec dix puis huit malheureuses heures de français par semaine, je ne pense pas que nous ayons le temps en Primaire de le travailler par écrit jusqu'à la prise de conscience et la formalisation.

    Restons donc entre adultes même si, dès la Maternelle, plutôt que de leur apprendre à tracer des lignes verticales avec de la peinture, et puis des lignes verticales avec des feutres, et puis de lignes verticales avec le doigt dans de la semoule, et puis encore et toujours des lignes verticales, nous pouvons (et même nous devons), enrichir tous azimuts leur langage, non pas seulement avec deux mots par jour, mais aussi grâce à des exercices qui les amènent à travailler implicitement la structure de la langue.

    Maman a été contente...

    à enrichir en demandant de préciser son idée. On obtiendra :

    elle a été contente... de son cadeau, ... de la photo de classe, ... de voir mes cahiers, ... du spectacle, ... de la peinture que j'ai rapportée, ... et même... du collier de nouilles !

    Cela ira donc très vite si tous les adultes présents ici :

    → se souviennent que le réflexe questions-types = réponses-types est un réflexe à combattre

    → se souviennent qu'il faut toujours chercher à comprendre qu'apporte comme précision le mot qu'on analyse

    → reconnaissent facilement les adjectifs

    Il nous suffira de savoir que :

    Parfois, les adjectifs sont accompagnés d'un complément qui les précise.

    Exemples : Cet exercice est facile à faire. La pluie est bonne pour les plantes. Ta gourde est pleine d'eau fraîche. Un coffre rempli de pierres précieuses est caché dans ce château.

    Toutes ces précisions sont des compléments de cet adjectifs. Les mots qui sont complément de l'adjectif sont très souvent introduits par une préposition.

    Un complément du nom particulier : l'attribut

    Petit rappel :

    Les verbes d'état :

    Comme leur nom l'indique, ils indiquent un état (être candidat, devenir grand, rester calme, demeurer persuadé de ceci ou cela, sembler sérieux, paraître un personnage original).

    Les verbes d'état ne sont que six et peuvent tous être remplacés par le verbe être :

    être, paraître, sembler, demeurer, rester, devenir.

    On peut ajouter à cette liste quelques locutions verbales : avoir l'air, passer pour, ...

    Un verbe d'état ne peut pas être complété par un complément d'objet qu'il soit direct ou indirect puisqu'il indique un état et non une action.

    L'attribut du sujet :

    Le mot ou le groupe de mots qui attribue une qualité (une manière d'être) au sujet d'un verbe d'état (et de quelques autres verbes comme s'appeler, se montrer, se trouver, se nommer, se faire,  ...) s'appelle tout naturellement un attribut du sujet.

    Exemples : Paul est fiévreux. Il semble malade. Malgré les médicaments, sa température reste élevée. Heureusement, son oncle est médecin. Il nous rassure : « Cette maladie se fait rare aujourd'hui. Elle s'appelle la rougeole ! Elle n'est pas à redouter. »

    Contre-exemples (pour éviter le pilote automatique qui associe verbe d'état = attribut) : Paul est à Paris. J'appelle mon chien.

    Remarquons que dans les exemples, l'attribut désigne une qualité attribuée au sujet (la fièvre de Paul, sa maladie, l'élévation de la température, l'oncle médecin, ...) ou encore une manière d'être du sujet alors que dans les contre-exemples, le pseudo-attribut ne désigne absolument pas une qualité attribuée au sujet (Paris n'est pas Paul, pas plus que moi, je ne suis mon chien).

    L'attribut de l'objet :

    Ça, comme le complément de l'adjectif, c'est pour nous, pas pour les élèves. Alors pourquoi en parler, me direz-vous ?...

    Eh bien pour ne pas dire d'âneries et pour sélectionner avec rigueur les phrases que nous présenterons à nos élèves pour un exercice d'analyse grammaticale.

    Imaginons que, par exemple, nous donnions cette phrase :

    Les élèves ont imaginé un véhicule moitié avion et moitié train.

     et que nous nous apprêtions à leur en faire analyser chacun des groupes.

    Comme d'habitude, nous leur demandons d'abord de trouver le verbe conjugué et de l'analyser :

    → ont imaginé : verbe imaginer, premier groupe, mode indicatif, passé composé, 3e personne du pluriel

    Ce qui les amène à analyser le sujet de ce verbe, celui qui a imaginé :

    → Les élèves : groupe nominal, masculin pluriel, sujet du verbe imaginer.

    Une fois ces deux éléments placés, comme le verbe imaginer a toujours un objet, nous le cherchons (au besoin à l'aide de la voix passive)

    un véhicule (moitié avion et moitié train) : groupe nominal, complément d'objet du verbe imaginer.

    Et là, nous arrivons à cette partie que j'ai indiquée en grisé et entre parenthèses parce que, dans de très nombreuses classes, enfants comme adulte n'auront pas forcément réalisé que ce groupe est une « qualité » attribuée au véhicule, ou, plus simplement, une manière d'être de ce véhicule, et non un simple complément de nom qui ferait partie GN complément d'objet. Nous l'analysons, nous adultes, ainsi :

    moitié avion et moitié train : GN coordonnés, attributs du complément d'objet direct véhicule

    Je conviens avec vous que la différence est subtile, raison de plus pour ne pas y confronter les enfants. Quelques exemples pour nous aider à ne pas tomber dans le piège :

    Le travail sur écran l'a rendu myope. - On surnomma Louis XIV, le Roi Soleil. - Lorsqu'une ville était fortifiée, on la jugeait imprenable. - J'aime ma maison, je la trouve charmante. - J'ai trouvé les portes fermées.

    En conclusion :

    C'est sur ce petit casse-tête que nous finirons cette série d'articles. Cela nous permettra d'établir quelques règles d'or à appliquer dans nos classes, qu'elles soient de TPS ou de CM2 :

    → Nous devons avoir les mêmes ambitions pour nos tout-petits, nos petits, nos moyens ou nos grands élèves : celles d'enrichir leur façon de parler, d'écrire, de lire et de penser.

    → Cet enrichissement passe par la structuration de la langue, à leur niveau, par des exercices d'abord très concrets, basés sur les échanges langagiers oraux, puis de plus en plus abstraits, jusqu'à arriver progressivement à l'analyse grammaticale des mots d'une phrase.

    → Pour mener à bien cet enseignement, nous devons nous-mêmes avoir les idées claires sur une grammaire scolaire simple et efficace, basée sur l'analyse du rôle des éléments qui constituent la phrase au niveau de la compréhension et sur ce qu'ils apportent au discours 

    → Pour cela, il convient de ne jamais raisonner en terme de questions-types apportant des réponses-types, ni, au risque de nous transformer en Monsieur Jourdain, en terme de place du mot ou groupe de mot dans la phrase.

    Dans la même série :

    Qualifier les compléments (1)Qualifier les compléments (2)Qualifier les compléments (3)   ; ...


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  • Qalifier les compléments (3)

    Avant de passer aux compléments qui ne complètent pas un verbe, voilà  le grand oublié de l'École Primaire, le complément d'agent (disparu des programmes du Primaire en 1972, après n'avoir été enseigné qu'aux CM2 et Cours Supérieur et 6e et 5e des Collèges) et son corollaire, la voix (ou forme) passive (disparue des programmes de l'École Primaire, beaucoup plus tardivement, en 2002).

    Si son rôle est intéressant, même pour des bons élèves de CM2, c'est surtout pour les enseignants qui y découvriront une manière simple de :

    ◊ distinguer un verbe conjugué à un temps composé de la voix active d'un verbe conjugué à la voix passive

    ◊ repérer plus aisément le complément d'objet direct et le sujet d'une phrase à la voix active

    Définir le sujet n'est pas toujours simple.

    ♠ Si nous disons à nos élèves qu'il est placé avant le verbe (encore cette fichue manie de faire de la grammaire comme on emboîterait des Lego), c'est très souvent faux ! Bonjour alors aux « Au milieu est le sujet du verbe couler » dans les phrases qui nous informent que Au milieu coule une rivière.

    ♠ Si nous disons qu'il désigne la personne qui fait l'action, nous perdons les élèves dès que, dans une phrase, un sujet totalement passif subit  tout un tas de choses malgré lui (La souris est poursuivie, attrapée et dévorée par le chat. → Qu'a-t-elle fait, cette pauvre petite souris ? Rien de rien... Et pourtant c'est bien elle le sujet de ces trois verbes !)

    C'est pourquoi il vaut mieux s'en tenir à deux définitions simples auxquels les utilisateurs de Du Mot Vers la Phrase ou d'OrthoGraph' sont habitués :

    ♥ Le sujet commande le verbe (Il conduit la voiture-verbe

    ♥ On le trouve en posant la question: « Qui est-ce qui commande (ou conduit) le verbe ... ? » ou « Qu'est-ce qui commande (ou conduit) le verbe ... ? » et en y répondant par « C'est ... qui commande (ou conduit) le verbe ... »

    Exemples :

    D'une voiture tomba un jour une grosse cruche. Passe une petite souris.

    Elle aperçoit la cruche.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe tomba ? → C'est une grosse cruche qui tomba.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe passe ? → C'est une petite souris qui passe.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe aperçoit ? → C'est elle qui aperçoit.

    Et comme ceci fonctionne même lorsque le sujet subit l'action au lieu de la faire, il est bientôt temps pour nous, et éventuellement pour nos élèves de CM ensuite, de nous intéresser aux formes (ou voix) que peut prendre le verbe.

    Découvrir la forme (voix) active et la forme (voix) passive

    Un groupe de comédiens envahit la rue piétonne.

    La rue piétonne est envahie par un groupe de comédiens.

     Dans la première de ces phrases, le sujet un groupe de comédiens est actif. C'est lui qui fait l'action d'envahir un objet, la rue piétonne.

    Dans la seconde, en revanche, l'objet la rue piétonne est devenu un sujet qui subit l'invasion tout en restant passif devant cette action de l'envahir. 

    En nous intéressant à la forme prise par le verbe envahir dans ces deux phrases, il nous est facile de noter ce qui s'est passé entre ces deux phrases :

    ◊ Dans la première phrase, le verbe est conjugué sous sa forme active car le « conducteur de la voiture verbe » est l'acteur (ou agent) de l'action qu'il exprime

    ◊ Dans la seconde phrase, cet acteur (ou agent) n'est plus le conducteur de la voiture-verbe conduite par un sujet qui subit l'action qu'il effectue. Le verbe est conjugué sous sa forme passive. On note que, pour cette forme, nous avons utilisé l'auxiliaire être au même temps que le verbe de la phrase active suivi du participe passé du verbe de la phrase active.

    Exemples :

    Un groupe de comédiens envahira la rue piétonne. La rue piétonne sera envahie par un groupe de comédiens.

    Un groupe de comédiens envahit la rue piétonne. La rue piétonne fut envahie par un groupe de comédiens.

    Un groupe de comédiens a envahi la rue piétonne. La rue piétonne a été envahie par un groupe de comédiens.

    Un groupe de comédiens avait envahi la rue piétonne. ⇒ La rue piétonne avait été envahie par un groupe de comédiens.

    Nous retiendrons (et ferons éventuellement retenir à nos élèves de CM par de nombreuses manipulations orales) que :

    Dans certains cas, le sujet ne fait pas l'action exprimée par le verbe ; il la subit seulement. On dit que le verbe est conjugué à la forme (ou voix) passive.

    À la forme (ou voix) passive, le verbe transitif est à une forme composée où son participe passé est conjugué avec l'auxiliaire être conjugué au même temps que le verbe de la phrase active.

    Nota bene : Il ne faut pas confondre les temps simples des verbes transitifs directs conjugués au passif, 

    Exemples : elle est envahie ; j'étais abattu ; tu seras accompagné ; ...

    avec les temps composés de certains verbes intransitifs conjugués à l'actif avec l'auxiliaire être.

    Exemples : elle est venue ; j'étais sorti ; tu seras allé ; ...

    Nous verrons plus tard comment éviter cette confusion (voir Troisième et Quatrième Conclusions).

    Analyser les GN d'une phrase passive

    Cet exercice est intéressant pour l'enseignant, non seulement pour mieux comprendre le rôle du sujet dans une phrase, comme nous l'avons vu ci-dessus, mais aussi pour repérer grâce à la compréhension  le complément d'objet direct de la phrase active.

     Reprenons notre exemple ci-dessus en l'enrichissant de quelques compléments circonstanciels.

    Pendant l'été, un groupe de comédiens envahit chaque après-midi la rue piétonne.

    Devant une telle phrase, nous savons que certains de nos élèves – et malheureusement quelques collègues dressés au jeu de Lego grammatical – risquent de mettre en route le pilote automatique et de ne pas trouver le sujet (qui n'est pas le premier groupe de la phrase !) et encore moins le complément d'objet direct (qui n'est pas placé directement après le verbe !)...

    Grâce à la règle sur le sujet énoncée ci-dessus, le sujet émerge très facilement :

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe envahit ? → C'est un groupe de comédiens qui envahit quelque chose.

    Le groupe de comédiens est le sujet acteur (ou agent) de l'action d'envahir.

    Et grâce à la notion d'objet travaillée précédemment (Qualifier les compléments (1)), nous savons que :

    la rue piétonne est l'objet de l'action d'envahir exécutée par le sujet, agent de l'action d'envahir. ⇒ comme il n'est pas introduit par une préposition et que le verbe envahir ne fait pas partie de la liste des verbes transitifs indirects, le GN la rue piétonne est le complément d'objet direct du verbe d'action transitif direct envahir.

    Et grâce à la transformation passive, nous en avons confirmation :

    Pendant l'été, la rue piétonne est envahie chaque après-midi par un groupe de comédiens.

    Ici, le sujet n'est plus agent de l'action. Il la subit.

    Qui conduit la voiture-verbe ? Qui commande le verbe est envahie ? → C'est la rue piétonne qui est envahie. (Remarquons au passage que nous ne serions pas obligés comme dans la phrase active de compléter le verbe envahir).

    Le complément d'objet direct de la phrase active est devenu le sujet de la phrase passive.

    Première conclusion : Pour s'assurer d'avoir bien repéré le complément d'objet direct du verbe à la forme active, nous pouvons opérer une transformation passive. Le sujet du verbe à la forme passive est le complément d'objet direct du verbe à la voix (ou forme) passive.

    Deuxième conclusion : Seuls les verbes d'action transitifs directs peuvent être mis à la voix (ou forme) passive.  

    Quant au sujet de la phrase active, qu'est-il devenu ? Nous le retrouvons facilement puisqu'il reste l'acteur ou agent de l'action d'envahir !

    Mais nous remarquons que :

    ◊ même s'il reste utile à notre propos, et même fondamental – en effet, il vaut mieux que la rue piétonne soit envahie par des comédiens que par des soldats en armes, des aliens aux intentions coupables ou des fauves assoiffés de sang ! –, il n'est plus indispensable (Pendant l'été, la rue piétonne est envahie chaque après-midi. , c'est moins précis mais tout à fait compréhensible)

    ◊ il est introduit par la préposition par (il pourrait l'être aussi par la préposition de : Pendant l'été, la rue piétonne est envahie chaque après-midi de comédiens qui se mêlent aux promeneurs.)

    C'est donc un complément, puisqu'il complète le verbe envahir, indirect, puisqu'il est introduit par une préposition, utile à notre propos mais pas indispensable. Comme il nous informe sur l'agent de l'action d'envahir, nous pouvons le désigner par le terme de complément d'agent du verbe envahir, conjugué à la forme (ou voix) passive.

    Troisième conclusion : Quand nous mettons le verbe d'une phrase active à la voix (ou forme) passive, le sujet de l'action (ou agent) complète le verbe à la voix (ou forme) passive. Comme ce complément nous renseigne sur l'agent de cette action, nous le qualifions de complément d'agent.

    Quatrième conclusion : Le complément d'agent nous renseigne sur la personne, l'animal ou la chose qui fait l'action exprimée par le verbe à la voix passive. Il est introduit par les prépositions par ou de.

    Dans la même série :

    Qualifier les compléments (1)Qualifier les compléments (2) ; ... ; Qualifier les compléments (4)


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